Saisi de trois questions prioritaires de constitutionnalité relatives à la peine de confiscation, le Conseil constitutionnel entame en 2021 une profonde mutation du droit des saisies pénales. En tant que gardien de la Constitution, il rend trois décisions d’inconstitutionnalité, fondées sur l’absence dans la loi de dispositions relatives aux droits du tiers propriétaire d’un bien susceptible d’être confisqué. La décision de saisie pénale peut en effet avoir de lourdes conséquences sur le patrimoine du tiers propriétaire. Dans sa décision n°2021-932 du 23 septembre 2021, le Conseil constitutionnel invalide pour partie l’article 131-21 du Code pénal relatif à la peine de confiscation. Cette abrogation a pris effet au 31 mars 2022. Le tiers propriétaire n’est pas une partie au procès, mais on lui reconnaît toutefois un statut procédural afin qu’il puisse faire entendre ses droits.
Statut procédural du tiers propriétaire d’un bien susceptible d’être confisqué
Par la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021, le législateur fait suite à la décision d’inconstitutionnalité rendue par le Conseil constitutionnel et modifie l’article 131-21 du Code pénal. Cet article dispose que la peine de confiscation peut porter sur les biens ayant servi à commettre l’infraction ou ayant été destinés à la commettre, que l’auteur en soit propriétaire ou qu’il en ait la libre disposition. Le risque était alors de voir la peine de confiscation peser sur les biens appartenant à une autre personne que le condamné. C’est la raison pour laquelle le législateur reconnaît désormais le statut procédural du tiers propriétaire d’un bien susceptible d’être saisi.
Ce statut procédural permet ainsi au tiers propriétaire de faire des observations concernant la mesure de confiscation envisagée lorsque sont réunies trois conditions cumulatives :
– Le tiers justifie d’un droit de propriété sur le bien ;
– L’autorité judiciaire a connaissance de l’existence de ce tiers propriétaire, qui est avérée ou revendiquée ;
– La peine complémentaire de confiscation est effectivement encourue.
Il peut ainsi faire valoir le droit qu’il revendique et sa bonne foi. L’avis d’audience doit être adressé aux tiers propriétaires dont le titre est connu et à ceux qui ont revendiqué cette qualité en procédure. Il est adressé par le ministère public, par tout moyen, dans le mois précédant la date d’audience si la juridiction saisie est la cour d’assises et dans les 10 jours s’il s’agit d’une autre juridiction pénale. Le tiers peut ainsi émettre ses observations par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception parvenue au moins 24 heures avant la date d’audience. Il peut aussi le faire par document écrit remis au greffe de la juridiction et cosigné par le greffier au moment de l’audience.
Sanction du non-respect de l’article 131-21 du Code pénal
Lorsqu’elle porte sur des biens dont le propriétaire est un autre que le condamné, la peine de confiscation ne peut être prononcée si ce tiers n’a pas été mis en mesure de présenter ses observations à la procédure. La reconnaissance de son statut procédural lui permet d’être entendu pour faire valoir son droit de propriété et sa bonne foi. Il semble pourtant que la circulaire en date du 27 décembre 2021, relative aux dispositions de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021, tende à atténuer la force de ce statut.
Ainsi, le non-respect de l’article 131-21 du Code pénal ne devrait pas entraîner la nullité de la confiscation prononcée, à moins d’une jurisprudence contraire de la Cour de cassation. Par ailleurs, la circulaire précise que le tiers propriétaire ne peut pas interjeter appel de la décision rendue, car il n’est pas considéré comme une partie à la procédure.
Cela ne fait pas défaut au droit du tiers propriétaire car on considère qu’il peut toujours solliciter la restitution de son bien sur le fondement de l’article 710 du Code de procédure pénale, même lorsqu’il a déjà pu faire part de ses observations devant la juridiction répressive. Le statut de tiers propriétaire tend ainsi à perdre son utilité. Les fondements de la réforme sont bien réels. Mais son application procédurale pourrait alourdir les requêtes fondées sur l’article 710 du Code de procédure pénale, en cas de rejet de la demande de ne pas confisquer le bien litigieux.
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