La présomption d’innocence est un principe fondamental du droit selon lequel un prévenu est considéré innocent tant que la preuve de sa culpabilité n’est pas rapportée par l’accusation. Il ne peut être considéré coupable que lorsqu’il est définitivement jugé comme tel par un tribunal. Pourtant, la surmédiatisation des affaires judiciaires tend à fragiliser le respect de la présomption d’innocence. Il est compliqué de conjuguer les principes de la procédure pénale et le droit à l’information, surtout sur les réseaux sociaux. L’atteinte à la présomption d’innocence devient un véritable enjeu de société. Un groupe de travail présidé par Élisabeth Guigou, ancienne ministre de la Justice, a rendu un rapport sur cette question le 15 octobre 2021. Entre régulation de médias tentaculaires et éducation de toute une population, la présomption d’innocence constitue un défi de taille.
Les garanties du principe de la présomption d’innocence
Le principe de la présomption d’innocence est garanti par plusieurs textes au niveau national et international. À l’origine, il est dicté par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 dans son article 9. Il est aussi consacré après la Seconde Guerre mondiale par l’article 11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.
Au niveau européen, l’article 6 alinéa 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950 pose le principe du respect de la présomption d’innocence. De même, il figure à l’article 48 de la Charte européenne des droits fondamentaux de l’Union européenne, ratifiée par le Traité de Lisbonne.
Principe à valeur constitutionnelle reconnu depuis un arrêt du 8 juillet 1989, en France, la présomption d’innocence figure en tête du Code de procédure pénale depuis la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d’innocence et les droits des victimes.
Le danger des réseaux sociaux pour la présomption d’innocence
Lorsqu’il est bafoué dans la presse, le principe de la présomption autorise toute personne non encore condamnée à obtenir une rectification publique s’il est présenté dans le média comme coupable. La loi interdit par ailleurs de diffuser les images d’un individu menotté sans son accord. D’une certaine façon, ce principe vient limiter la liberté d’expression. Mais cette limite est justifiée par les besoins du procès pénal et le respect de la dignité.
Pourtant, le rapport rendu en octobre 2021 révèle une atteinte croissante à la présomption d’innocence. Il peut s’agir de révélations de source judiciaire ou policière, mais plus généralement la fuite d’information provient des médias. Si la presse traditionnelle est assez respectueuse du principe, il est moins facile de maîtriser les informations virales diffusées sur les réseaux sociaux, encore mal régulés.
La notoriété de la personne mise en cause, personnage public ou politique, tend à aggraver ce phénomène. Les réseaux sociaux occasionnent des atteintes rapides et à grande échelle, avec un sentiment d’impunité renforcé par l’anonymat sur internet. Il en résulte un écart entre les textes de loi et la réalité du terrain. Pourtant, l’accès à l’information ne doit pas se faire au détriment de la présomption d’innocence.
La prévention contre les atteintes à la présomption d’innocence
Au niveau national, l’article 9-1 du Code civil prévoit, lors d’une procédure en référé, la possibilité de suspendre la publicité donnée à une mise en cause injustifiée. Le rapport propose une simplification de cette procédure, afin notamment de permettre au procureur d’actionner lui-même cette action lorsqu’il estime qu’un accusé fait l’objet d’une procédure judiciaire injuste.
Au niveau européen, le Digital Service Act, proposé par la Commission européenne, a été adopté par le Parlement à Starsbourg le 20 janvier 2022. Il tend à renforcer le contrôle du numérique et des réseaux sociaux. Il s’appuie notamment sur l’article 48 de la Charte des droits fondamentaux qui vise la présomption d’innocence. Celle-ci ayant valeur contraignante au même titre que les traités, il est important de former les juges à l’utiliser davantage, pour lutter contre ce type d’atteintes, notamment quand elles sont commises sur Internet.
Il est enfin crucial d’éduquer les populations aux grands principes du droit et au fonctionnement de la justice. Cela doit passer par des campagnes d’information, mais aussi par une sensibilisation à la présomption d’innocence dès l’école. De même, l’enseignement doit être renforcé auprès des écoles formant les différents acteurs en lien avec les affaires judiciaires, comme les magistrats, les avocats ou les journalistes.
Photo : Saúl Bucio on Unsplash