La cryothérapie est une technique de physiothérapie qui consiste à placer tout ou partie du corps humain à des températures négatives extrêmes, de -150° à -190°. Lorsqu’elle est pratiquée sans un contrôle strict, elle peut provoquer de graves dommages physiques et esthétiques. Se pose alors la question de la légitimité des instituts de beauté à pratiquer ces actes, car la cryothérapie est également proposée pour l’amincissement et le raffermissement du corps. Deux cas d’espèces ont ainsi été soumis à la Cour de cassation. Les gérants des établissements ont été mis en cause, l’un en raison de poursuites engagées pour brûlures profondes ayant entraîné une incapacité temporaire de travail, l’autre à la suite d’un signalement émis par l’ordre des médecins et l’ordre des kinésithérapeutes. Par deux décisions en date du 10 mai 2022, les juges de la chambre criminelle de la Cour de cassation ont ainsi précisé que les actes cryothérapie sont réservés aux professionnels de santé habilités, sous peine d’exercice illégal de la médecine.
Acte médical réservé médecins et kinésithérapeutes
Dans un arrêté du 6 janvier 1962, le législateur pose très tôt la liste des actes réservés aux professionnels de santé.
Pratiquée à des fins médicales, la cryothérapie est un acte de physiothérapie. Dispensée sans encadrement médical ou paramédical, c’est une pratique dangereuse pour le patient. C’est le cas notamment des séances réalisées dans un institut de beauté par des esthéticiennes, ces dernières ayant seulement suivi une formation dispensée par l’installateur du matériel.
La cryothérapie est donc un acte qui doit être réservé :
– Aux seuls médecins, lorsqu’elle aboutit à la destruction de tissus humains ;
– Aux masseurs-kinésithérapeutes, sur prescription médicale, dans les autres hypothèses thérapeutiques.
Exercice illégal de la médecine
Dans le premier cas d’espèce, l’institut de beauté est condamné par le tribunal correctionnel puis la Cour d’appel de Paris pour blessures involontaires et exercice illégal de la médecine. Il voit également son pourvoi rejeté par la Cour de cassation. Dans sa communication à l’attention du public, l’institut laisse en effet entendre des compétences médicales. Il vente les bienfaits de la cryothérapie pour des pathologies sévères, pouvant induire le patient en erreur.
L’autre affaire implique un établissement spécialisé dans la cryothérapie corps entier. Il est également mis en cause par le conseil départemental de l’Ordre des médecins et de celui des masseurs-kinésithérapeutes pour exercice illégal de la médecine et de la kinésithérapie. Il se défend de pratiquer des actes ayant une quelconque visée thérapeutique.
Le même argument avait précédemment été soulevé dans une affaire relative à des actes esthétiques pratiqués au moyen d’appareils à lumière pulsée. Ainsi, le 31 mars 2020, Cour de cassation n’avait alors pas retenu la qualification d’exercice illégal de la médecine. Cette fois, la Cour de cassation estime que ce motif est inopérant. Dès lors que l’institut reconnaît proposer des séances pour soulager les douleurs, il y a lieu de considérer qu’il exerce illégalement un acte réservé aux professionnels de santé.
Restriction justifiée du principe de libre prestation de services
Les deux instituts mis en cause ont fondé leurs moyens de cassation sur la violation des articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement l’Union européenne et de l’article 49 du Traité instituant la Communauté européenne.
Il est vrai qu’il résulte de l’arrêté de 1962 une restriction aux principes de libre concurrence, de liberté d’établissement et de libre prestation de services garantis par les textes européens. Mais elle est justifiée par la prévention des risques que la pratique de la cryothérapie présente au regard de la santé publique. La restriction doit être nécessaire, non discriminatoire, cohérente et proportionnée à la réalisation de l’objectif de protection à atteindre.
En pratiquant un acte réservé à la médecine, l’institut encourt donc la sanction d’exercice illégal de la médecine doit être retenue contre l’institut. De même, la jurisprudence considère que la responsabilité du professionnel peut être retenue en cas de dommage lorsque l’acte est réalisé sans prescription médicale, à unique visée esthétique (Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 30 septembre 2021, n° 20/06349).
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