L’inflation carcérale frappe la France depuis de nombreuses années. Les prisonniers sont très souvent contraints de partager leur cellule avec d’autres détenus dans des conditions parfois inqualifiables.
Pourtant, l’incarcération ne doit pas être faite au détriment des droits fondamentaux. Parmi eux, le respect de la dignité humaine, garanti par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Comment s’assurer que les établissements pénitentiaires respectent la dignité de leurs détenus alors qu’ils doivent faire face à une densité de population bien supérieure à leurs capacités d’accueil ? Et comment apprécier les circonstances de l’indignité ? La Chambre criminelle de la Cour de cassation revient sur cette question dans un arrêt en date du 15 décembre 2020.
Respect la dignité humaine en détention carcérale
Dans une décision du 2 octobre 2020, le Conseil constitutionnel rappelle que le respect de la dignité humaine est un principe fondamental. Il impose au législateur français de permettre aux détenus de saisir le juge. Ces dernier pourront le faire dès ils estiment que leurs conditions de détention sont contraires à la dignité humaine. La surpopulation carcérale favorise sans aucun doute les facteurs d’indignité.
C’est sur ce motif que la Cour de cassation se prononce dans un arrêt du 15 décembre 2020. Dans cette affaire, une personne mise en examen est placée dans une cellule conçue pour deux personnes. Elle observe cependant que la pièce est régulièrement occupée par un troisième détenu. Leur espace individuel est alors réduit à 3,83 m2. Elle lance alors une action pour contester sa détention provisoire dans de telles conditions.
En appel, la Cour rejette l’argument des conditions indignes. Un pourvoi est alors formé. Face à une situation de surpopulation carcérale, la Cour de cassation propose une analyse méthodique de l’examen des conditions de détention.
Examen des conditions de détention
La Cour de cassation s’appuie sur l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui a notamment condamné la Croatie en 2016 pour détention dans des conditions inhumaines et dégradantes. La Cour rappelle que l’examen des conditions de détention doit se faire en deux points.
En premier lieu, il convient d’analyser la surface personnelle dont dispose le détenu ; celle-ci ne doit pas être inférieure à 3 m2, hors installations sanitaires. En second lieu, la recherche procède d’une analyse globale de multiples facteurs propres à apprécier la situation de détention. Pour cela, on vérifie dans quelles conditions à lieu la réduction de l’espace personnel du détenu. Elle doit être occasionnelle et limitée dans le temps. Elle n’est acceptable qu’à la condition que le détenu ait accès à des activités hors-cellule.
Par ailleurs, la structure pénitentiaire doit offrir dans son ensemble des conditions de détention décentes. La Cour s’appuie alors sur des hypothèses concrètes à vérifier : possibilité d’utiliser les toilettes de manière privée, respect des exigences sanitaires de base, protection de l’intimité, qualité de l’air, aération disponible, accès à la lumière naturelle, qualité du chauffage, entretien de la prison, ou encore traitement des nuisible et moisissures.
Analyse globale des conditions de détention, une garantie suffisante ?
Dans le cas d’espèce, la Cour de cassation tend à considérer que la chambre d’instruction a correctement déduit que les conditions de détention du prisonnier n’étaient pas indignes. Pourtant, le respect de l’intimité n’était assuré que par la présence d’un drap, utilisé comme rideau. Les détenus, ont-ils réellement la possibilité de faire valoir leurs revendications ?
L’analyse globale des conditions de détention risque bien de banaliser la violation d’un droit fondamental. Selon l’Observatoire international des prisons, on relevait en janvier 2020 un taux d’occupation de 116% dans les prisons françaises, soit 70.651 prisonniers pour seulement 61.080 places disponibles. La surpopulation est surtout observée dans les maisons d’arrêt où le taux d’occupation moyen est de 138%.
Or, ces établissements représentent près de 60 % de la population carcérale en France. Ils accueillent les personnes en attente de jugement et celles condamnées à de courtes peines. Face à une situation difficile à contenir, le respect de la dignité ne doit pourtant pas céder le terrain au manque de moyens.