Véritable entrave à la justice, la non-dénonciation est un délit puni aux articles 434-1 à 434-3 du Code pénal. Dans un récent arrêt, la Cour de cassation revient sur le délit de non-dénonciation de maltraitance sur mineur. Il s’agit de punir les personnes qui restent dans le silence alors qu’elles ont connaissance d’actes de maltraitance sur un mineur ou une personne fragile.
Délit de non-dénonciation de maltraitance sur mineur
L’article 434-3 du Code pénal réprime le fait pour une personne de ne pas alerter les autorités alors qu’elle a connaissance de mauvais traitements infligés à une personne fragile. Il peut s’agir de privations, de violences ou d’atteintes sexuelles, infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son état de faiblesse psychique ou physique (âge, maladie, infirmité).
L’objectif de ce texte est de contourner l’obstacle aux poursuites qui pourrait résulter de l’âge ou de la fragilité de la victime, l’empêchant de dénoncer les faits. Le périmètre de l’infraction a été étendu au fil du temps. Depuis la loi du 24 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, la dénonciation est obligatoire dès que la victime est un mineur, sans condition d’âge. Puis, la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a aggravé les peines encourues et a modifié la définition de l’obligation de dénonciation de telle sorte qu’elle a joué sur l’analyse de la prescription.
Analyse de la prescription du délit de non-dénonciation
Pour connaître le point de départ de la prescription, encore faut-il savoir si le délit est instantané ou continu. Dans le premier cas, le délai de prescription démarre au moment où le prévenu a eu connaissance des faits. Dans le second cas, l’infraction se prolonge dans le temps et la prescription court tant que la dénonciation n’est pas intervenue ou tant que les faits n’ont pas cessé.
Selon la jurisprudence, il s’agit d’une infraction instantanée. En effet, dans une infraction d’omission, le manquement reproché s’applique à un moment précis dans le temps. La prescription du délit de non-dénonciation de mauvais traitement sur mineur court à compter du jour où le prévenu a eu connaissance des faits qu’il aurait dû dénoncer.
Mais, on distingue la prise de connaissance de mauvais traitements, qui a un caractère instantané et ne constitue pas une infraction, de la non-dénonciation qui se prolonge dans le temps. On peut ainsi considérer que la non-dénonciation est une infraction continuée dans le temps. Cela revient à admettre qu’on peut reprocher à une personne de ne pas avoir dénoncé un délit aux autorités judiciaires alors même que la poursuite de ces faits est impossible, les faits étant prescrits. L’infraction a pour but de faire cesser les mauvais traitements mais aussi de punir les auteurs. Il faut donc en déduire que l’obligation de dénonciation survit à la prescription de l’infraction principale, au moins tant que l’obstacle à la dénonciation n’est pas levé.
Fin de l’obligation de dénonciation
Il appartient en principe aux victimes, dès lors qu’elles en ont la possibilité et la capacité, de décider de porter plainte ou non. L’objectif de l’obligation de non-dénonciation est de pallier l’impossibilité pour la victime de révéler elle-même les faits.
Le délit repose sur le caractère vulnérable de la victime de l’infraction principale. Cette condition doit être remplie au moment où les faits ont été commis, mais également lorsque la personne poursuivie pour leur non-dénonciation en a pris connaissance. Tant que l’obstacle demeure, l’obligation de dénoncer persiste, même s’il semble à celui qui prend connaissance des faits que toute poursuite n’est plus possible compte tenu de la prescription des faits et de l’action publique. D’autant que les règles relatives à la prescription sont complexes et doivent être laissées à l’appréciation des personnes compétentes en la matière. En revanche, dès que le critère de la vulnérabilité est levé, l’obligation de dénonciation disparaît.
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