La responsabilité décennale ne s’applique pas qu’aux constructeurs professionnels. Cette garantie s’étend en effet au vendeur particulier d’un bien immobilier récent ou ayant subi d’importants travaux d’agrandissement ou de rénovation dès lors qu’il en est le maître d’ouvrage. C’est le principe que vient de rappeler la Cour de cassation dans un arrêt du 1er avril 2021.
Qu’est-ce que la responsabilité décennale du vendeur particulier ?
Il est courant d’évoquer la responsabilité décennale des constructeurs professionnels qui interviennent à l’occasion de la construction d’un ouvrage ou de travaux de rénovation de grande ampleur. Des risques de mise en jeu de la responsabilité du propriétaire particulier en cas de revente d’un bien immobilier récent ou rénové, bien que moins connus, existent pourtant au titre de cette même garantie.
La notion de garantie décennale
La garantie décennale est définie à l’article 1792 du Code civil. Elle a pour but d’engager la responsabilité du constructeur d’un ouvrage lorsque des désordres sont constatés, après achèvement des travaux, dans la réalisation de l’ouvrage en question.
Ce régime spécial de garantie concerne aussi bien les constructions neuves que les travaux importants de rénovation, qu’ils aient été réalisés par le propriétaire lui-même ou par l’intermédiaire de professionnels.
La responsabilité décennale est donc destinée à s’appliquer en présence de vices suffisamment graves, soit pour remettre en cause la solidité de l’ouvrage, soit pour rendre celui-ci impropre à sa destination en affectant un élément constitutif du bâtiment (tel que ses fondations, ses murs ou sa toiture) ou l’un de ses éléments d’équipement (huisserie des fenêtres, chaudière, etc.).
Le sort de la garantie décennale en cas de revente du bien immobilier
La responsabilité décennale du constructeur peut être engagée dans un délai de 10 ans suivant la réception des travaux. En cas de vente du bien immobilier, le nouvel acquéreur peut bénéficier des garanties décennales encore en cours au moment de la transaction.
Le transfert de ces garanties s’opère de façon automatique au profit des propriétaires successifs de l’immeuble jusqu’à expiration de leur délai.
En général, la responsabilité décennale incombe aux constructeurs professionnels participant aux travaux de construction ou d’amélioration du bâtiment.
Toutefois, pour une meilleure protection de l’acquéreur, l’article 1792-1 2° du Code civil considère le vendeur particulier du bien immobilier comme le constructeur de l’ouvrage s’il a effectué lui-même ou fait effectuer les travaux. La réparation des désordres constatés après la vente peut alors être réclamée auprès du précédent propriétaire.
Comment sécuriser la vente d’un bien immobilier soumis à la garantie décennale ?
En sa qualité de maître d’ouvrage, le vendeur particulier est tenu à la garantie décennale à l’égard de l’acquéreur en raison de la revente de son bien immobilier. Le non-respect de cette obligation peut entraîner l’annulation de la vente.
La mise en jeu de la garantie décennale
Dans le cadre d’un projet de vente d’un bien encore couvert par la garantie décennale, le vendeur particulier qui a construit ou fait construire tout ou partie de l’immeuble mis à la vente a l’obligation de souscrire une assurance dommages-ouvrage. Cette assurance, également souscrite au profit des futurs acquéreurs, permet de les prémunir en cas de défaut dans la construction contre tout risque d’insolvabilité du vendeur pour le temps restant à courir de la garantie légale.
Les références du contrat d’assurance sont portées à la connaissance de l’acquéreur dans l’acte de vente. Ainsi, le nouveau propriétaire qui constate un vice de nature décennale adresse une déclaration de sinistre à la compagnie d’assurance afin d’obtenir rapidement l’indemnisation correspondant au montant des réparations. Il appartient à l’assureur de rechercher ensuite le ou les constructeurs responsables du vice.
Une garantie d’ordre public
Le régime de la responsabilité décennale est d’ordre public. Aucune clause de l’acte de vente ne peut donc organiser la suppression ou la limitation de la garantie légale au détriment de l’acheteur. Dans le cas contraire, la clause serait considérée comme non écrite.
De même, le consentement du futur propriétaire à acquérir le bien en dépit de la mention d’un dysfonctionnement qui rendrait l’ouvrage impropre à son usage dans l’acte notarié ne peut le priver d’une possible mise en jeu de la responsabilité décennale du constructeur.
Pourtant, du fait de son coût relativement important, nombre de vendeurs particuliers renoncent à la souscription du contrat d’assurance et s’exposent à de lourds risques financiers, notamment en cas de liquidation de l’entreprise mandatée pour la réalisation des travaux. Le nouveau propriétaire peut en effet engager la responsabilité du vendeur, maître de l’ouvrage, en vue d’obtenir la réparation de son préjudice. L’absence d’assurance permet, par ailleurs, à l’acquéreur de négocier une diminution du prix de vente en conséquence.
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