Traitement du Covid-19 : le cadre de la loi et de l’éthique

À l’heure où la France est sévèrement touchée par la crise du covid-19, de nombreux traitements médicaux potentiels font l’objet d’une évaluation intense. Sur ce point, les études cliniques et la prescription de médicaments posent débat tant du point de vue juridique qu’éthique. Alors que le cadre législatif s’adapte à la situation, l’enjeu est de veiller à préserver les valeurs morales.

L’encadrement de la recherche clinique : un rempart solide qui s’adapte à la crise

Le cadre français de la recherche clinique soumet les projets de recherche médicale d’une part à l’autorisation de l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé –- ANSM -, d’autre part à l’avis favorable du Comité de protection des personnes et enfin, à l’autorisation de la CNIL concernant le traitement de données personnelles pour la recherche. Depuis longtemps les chercheurs dénoncent les délais d’examen des protocoles de recherche clinique. Une lenteur qui a pour conséquence directe la baisse significative du nombre d’essais conduits en France. Si l’ANSM s’est organisée pour réduire considérablement ses délais, le fonctionnement du Comité de protection des personnes reste encore trop lent.

Néanmoins, face à la pandémie, la Direction générale de la santé et l’ensemble des acteurs se sont coordonnés pour mettre en place des procédures accélérées concernant l’évaluation des demandes d’autorisation et d’avis des protocoles liés aux potentiels traitements du Covid-19. C’est une amélioration notable dans le domaine de la recherche, sans pour autant que la qualité de l’examen des protocoles soumis à approbation en soit sacrifiée.

L’encadrement de la prescription de médicament : la loi et l’éthique ne doivent faire qu’un

En France, un médicament déjà pourvu d’une autorisation de mise sur le marché peut être prescrit, en dehors des indications autorisées, lorsque :
– la prescription entre dans le cadre d’une recommandation temporaire d’utilisation édictée par l’ANSM ou d’une autorisation temporaire d’utilisation sollicitée par le laboratoire ;
– la prescription entre dans le cadre de la législation particulière relative à l’existence d’une menace sanitaire grave ;
– le médecin exerce, sous sa propre responsabilité, sa liberté de prescription au regard du cas clinique individuel qu’il traite.

Cette question sème pourtant le trouble auprès d’essais cliniques engagés pour la lutte contre le Covid-19, notamment avec le cas de l’hydroxychloroquine. Les chercheurs font face à un refus fréquent des patients de participer aux essais cliniques, ceux-ci préférant bénéficier d’une molécule médiatiquement présentée comme une solution thérapeutique immédiate. Il faut pourtant agir avec la plus grande prudence dans la communication de résultats scientifiques. En l’espèce, l’aspect médiatique peut avoir pris le dessus et altéré le jugement du patient. Il souhaite alors être orienté vers un traitement dont il croit que l’efficacité a été démontrée. Cela soulève un réel problème éthique car le patient se détourne ainsi d’un véritable essai clinique validé et se prive de pouvoir bénéficier d’un traitement qui pourrait s’avérer efficace.

Pour autant, le médecin dispose d’une liberté de prescription « dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science ». Selon l’article L.5121-12-1 du Code de la santé publique, la prescription d’un médicament non conforme à son autorisation de mise sur le marché ne peut intervenir qu’en l’absence d’alternative médicamenteuse disposant d’une autorisation de mise sur le marché ou d’une autorisation temporaire d’utilisation, sous réserve que ce recours soit jugé indispensable pour améliorer l’état clinique du patient. Dans ce cadre, l’appréciation du médecin est délicate et relève largement d’une considération éthique. La loi impose par ailleurs au médecin prescripteur des exigences précises quant à l’information du patient.

S’agissant de l’hydroxychloroquine, c’est finalement le décret n°2020-314 du 25 mars 2020, pris sur le fondement de l’état d’urgence sanitaire, qui autorise son utilisation dans des conditions dérogatoires propres à ce médicament et à l’affection du covid-19, pour la durée de la pandémie.

Cette crise sanitaire souligne plus que jamais la nécessite de maintenir la recherche médicale française à un niveau d’excellence et de permettre ainsi aux patients l’accès à des traitements innovants, dans le respect des piliers de la loi et de l’éthique.