En discussion depuis de nombreuses années, le nouveau système européen des brevets semble marquer une belle avancée. Ce dispositif tend à proposer un espace géographique de protection plus large à un coût attractif et avec des procédures simplifiées. Le projet a pourtant connu de nombreuses zones de blocage au fil du temps, dont la question de la langue utilisée pour la réaction du brevet. Puis il a accusé un nouveau retard en raison de la crise du Brexit et une longue période d’incertitude quant à la ratification de l’accord par le Royaume-Uni. Le protocole d’application provisoire concernant la juridiction unifiée du brevet est finalement entré en vigueur le 19 janvier 2022. Le projet doit ainsi mettre en place deux dispositifs indissociables : un régime simplifié de brevet européen à effet unitaire et une juridiction supranationale spécialisée en matière de propriété industrielle. L’ensemble doit permettre d’assurer une plus grande sécurité juridique aux entreprises européennes. Les derniers travaux doivent avoir lieu durant une période transitoire, pour une entrée en vigueur du dispositif prévue en 2023.
Brevet européen à effet unitaire
Le brevet européen à effet unitaire se distingue du brevet européen classique. Dans le système actuel, le brevet européen délivré par l’Office européen des brevets se traduit par autant de brevets indépendants que le demandeur choisit de valider. Le brevet doit en effet être validé dans chaque pays où la protection est souhaitée. Chacun constitue donc un droit distinct dont la défense s’effectue pays par pays, devant les tribunaux nationaux. La nouveauté repose donc sur la possibilité d’obtenir une protection dans tous les pays participants, en une seule demande. Celle-ci est réalisée dans l’une des trois langues officielles de l’Office européen des brevets : l’anglais, l’allemand et le français. Une formule transitoire a été prévue pour les demandes en cours. Ainsi, les demandes de brevet européen classique, arrivées dans la phase finale de la procédure de délivrance, pourront également introduire une demande d’effet unitaire de façon anticipée.
Concrètement, le brevet européen à effet uniforme permet d’obtenir en une seule démarche une protection sur l’ensemble des États de l’Union européenne. Un accord a été ratifié en 2013 par dix-sept États membres :
- Allemagne,
- Autriche,
- Belgique,
- Bulgarie,
- Danemark,
- Estonie,
- Finlande,
- France,
- Italie,
- Lettonie,
- Lituanie,
- Luxembourg,
- Malte,
- Pays-Bas,
- Portugal,
- Slovénie
- Suède.
L’Espagne et la Croatie avaient alors refusé de signer l’accord, mais pourraient aujourd’hui décider d’adhérer à cette coopération renforcée. De même, le potentiel de protection peut s’étendre aux autres membres de l’Union qui ont signé, mais pas encore ratifié l’accord. En revanche, sont exclus de ce système le Royaume-Uni, la Suisse et la Norvège, non-membre l’Union européenne.
La mise en place du brevet européen à effet unitaire va sans doute conduire les entreprises à réviser leur stratégie de propriété intellectuelle, notamment au regard de cette nouvelle couverture géographique. La stratégie sera d’ailleurs influencée par une nouvelle donne concernant les frais de justice devant la juridiction unifiée du brevet.
Juridiction unifiée du brevet
La juridiction unifiée du brevet, aussi appelée JUB, aura une compétence exclusive et élargie pour juger des question de contrefaçon ou de validité des brevets européens. Durant une période transitoire, le demandeur ou le titulaire d’un brevet européen classique pourra néanmoins choisir entre la JUB et un tribunal national. Le succès de cette nouvelle juridiction dépend notamment de la sélection des juges européens en matière de droit des brevets, spécialisés tant sur le plan juridique que technique. Chaque formation de jugement devra être composée de trois juges de nationalité différente.
En première instance, la JUB sera composée d’une entité centrale basée à Paris. Elle sera compétente pour connaître des contentieux relatifs aux transports, l’industrie textile, la construction, la physique, l’électricité, l’électronique et les télécommunications. Elle sera installée à proximité du Palais de justice, sur l’Île de la cité. La France doit par ailleurs proposer un candidat pour la fonction de président de la juridiction qui contribuera à son rayonnement international.
Des entités annexes doivent traiter des contentieux de brevet dans les autres domaines. La section de Munich traitera ainsi des questions relatives à l’ingénierie mécanique. Initialement, le Royaume-Uni devait connaître des contentieux en matière de pharmacie, chimie, métallurgie et biotechnologies. Compte tenu du Brexit, il convient désormais d’en organiser la réattribution. Sujet hautement sensible et politique. En deuxième instance, la cour d’appel est basée à Luxembourg. Le centre de médiation et d’arbitrage est quant à lui situé à Lisbonne au Portugal et Ljubljana en Slovénie.
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