Par principe, les droits de propriété intellectuelle sur les œuvres de l’esprit et sur les inventions appartiennent à leur créateur. Néanmoins les inventions et les créations de logiciels réalisées dans le cadre de mission par des salariés ou des agents publics relèvent d’un régime spécifique. Elles sont réputées appartenir à l’entreprise. En application de la loi n°2020-1674 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, le législateur est venu clarifier la question des créations réalisées par les stagiaires et les autres personnes ne bénéficiant pas d’un contrat de travail.
Droit de propriété de l’employeur sur les inventions et logiciels créés par un salarié
Selon l’article L.113-9 du Code de la propriété intellectuelle les droits patrimoniaux sur les logiciels créés par un salarié dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions de son employeur sont automatiquement dévolus à ce dernier. Il en va de même pour les inventions de mission réalisées par le salarié dans l’exécution d’un contrat de travail comportant une mission inventive permanente ou dans l’exécution d’études ou de recherche spécifiques. L’employeur est titulaire des droits sur l’invention dès sa conception.
Dans certains cas, les créations dépassent ce cadre. Il faut alors bien distinguer les inventions réalisées hors mission, mais attribuables à l’entreprise et celles non-attribuables à l’employeur. Les premières présentent un lien avec l’entreprise, car elles entrent dans le domaine d’activité de l’entreprise ou sont réalisées grâce aux moyens mis à disposition par l’entreprise. L’employeur peut alors se faire attribuer la propriété de l’invention ou sa jouissance par le biais d’un droit d’attribution ou d’une licence d’exploitation. Dans ce cas, le salarié peut néanmoins toucher une rémunération supplémentaire.
En revanche, les inventions hors mission ne lui sont pas attribuables parce qu’elles sont réalisées en dehors de toute mission confiée par l’employeur et ne présentent aucun lien avec l’entreprise. Seul le salarié est alors titulaire des droits de propriété.
Extension du droit de propriété à l’entreprise pour les créations réalisées par les non-salariés
Par l’ordonnance n°2021-1658 du 15 décembre 2021, le régime dérogatoire applicable aux inventions de mission et aux logiciels a été étendu aux personnes physiques qui ne disposent ni de la qualité de salarié, ni de celle d’agent public. Le nouveau dispositif n’étant pas d’ordre public, il ne s’applique pas en principe aux contrats en cours mais seulement aux contrats conclus à compter du 17 décembre 2021.
Dans sa nouvelle rédaction, telle qu’elle résulte de l’ordonnance, l’article L.113-9-1 du Code de la propriété intellectuelle soumet la dévolution automatique des droits de propriété à deux conditions :
– L’auteur doit être accueilli dans le cadre d’une convention par une personne morale réalisant de la recherche ou placée sous son autorité ;
– L’auteur perçoit une contrepartie et agir d’après les instructions de la structure l’accueillant.
Cette ordonnance permet une extension de la dévolution ou de l’attribution des droits au bénéfice des personnes morales de droit privé ou de droit public qui les accueillent pour faire de la recherche qui les accueillent. Cela concerne principalement les stagiaires, les professeurs ou les chercheurs étrangers. Ces personnes-là ne tombaient pas nécessairement dans le régime. L’ordonnance a pour effet d’uniformiser de traitement du personnel, quel que soit le statut.
C’est une avancée notable dans le domaine de la recherche. Cette réforme législative met fin à la situation juridique instable qui obligeait les entités accueillantes à signer des conventions de cession de droits avec les personnes accueillies. Le processus est ainsi allégé et simplifié, plus en adéquation avec les contraintes économiques des entreprises. Il vient également renforcer la sécurité juridique pour l’ensemble des parties prenantes. En revanche, les questions relatives à la contrepartie financière et la fixation de son juste prix restent encore à clarifier par décret. C’est en effet une source importante de conflit devant le tribunal judiciaire. En l’absence de règle supplémentaire, le juste prix doit être calculé en fonction des apports de chacun et de l’utilité industrielle et commerciale de l’invention.
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