La protection de l’enfance a été mise à mal pendant la période imposée de confinement, suite à la crise sanitaire du COVID-19. Alors que les libertés d’aller et venir ont été fortement restreintes, le secteur de la protection de l’enfance a peiné à assurer sa mission de service public. Les enfants les plus fragiles ont été livrés à eux-mêmes dans un contexte de violence familiale pourtant connu des travailleurs sociaux. Le secrétaire d’Etat chargé de la protection de l’enfance, Adrien Taquet, a indiqué une augmentation des appels au numéro d’urgence 119 « Enfance en danger » allant jusqu’à 90 % certaines semaines du confinement. Les alertes ont été données sur les réseaux sociaux par les victimes ou par les voisins témoins des violences. Comment les pouvoirs publics et les associations de protection de l’enfance se sont organisés pendant cette période délicate ? La réponse en trois points.
Un renforcement des effectifs et une prise en charge 24/24
Le monde entier a été surpris par la soudaineté de la crise du COVID-19. Du jour au lendemain, il a fallu assurer la sécurité sanitaire de millions de Français, tout en maintenant la continuité des services publics. La protection de l’enfance a dû faire face à une pénurie de bénévoles et de travailleurs sociaux, contraints de rester confinés chez eux. Dans un tel contexte, les services publics ont mis en place un système d’alerte national concentré sur le numéro 119 et les services de police et gendarmerie. Le gouvernement a également diffusé dans les grands médias une campagne nationale de sensibilisation le 30 mars 2020. L’efficacité de cette campagne a permis de repérer les personnes mineures et majeures victimes de violences familiales. Tous les services d’appel d’urgence ont été renforcés grâce au recrutement de personnel écoutant en interne et en sous-traitance. Des bénévoles ont prêté main forte auprès des grandes associations telles que Enfant Bleu et Voix de l’enfant, avec une mise à disposition de matériel informatique pour le traitement des appels.
Mobilisation du service judiciaire pour mineurs
L’interpellation d’auteurs de victimes mineurs implique un jugement rapide des auteurs des faits suite à une mise en examen. La Ministre de la justice, Nicole Belloubet, a demandé aux juges de libérer les détenus en fin de peine pour alléger la pression carcérale et permettre notamment la mise en préventive rapide des auteurs de violence familiale. Les Procureurs de la République et les juges pour mineurs ont pris les dispositions nécessaires pour protéger les victimes mineures. Ainsi, les juges pour enfants ont ordonné des placements provisoires lorsque l’enfant était en danger. Parallèlement, les services de police continuent les enquêtes pénales afin d’alimenter les dossiers d’instruction. L’ordonnance du 25 mars 2020 a permis un traitement plus efficace des signalements pour maltraitance infantile.
Les écoles constituent la source privilégiée des signalements pour maltraitance envers les enfants. Or, en période de crise sanitaire, un grand nombre d’écoliers habituellement surveillés par les services sociaux ne donnaient plus signe de vie. Les travailleurs sociaux ont redoublé de vigilance en assurant des entretiens téléphoniques réguliers auprès des familles repérées avant le confinement.
Une absence de contact familial pour les enfants placés
Le droit de visite et d’hébergement des familles a également été suspendu pendant le confinement. Le lien habituel avec la famille permet de maintenir dans certains cas un équilibre affectif des enfants. Dans d’autres cas, le retour dans le milieu familial est vécu comme une véritable souffrance, notamment si les violences et la présence de substances dangereuses (drogue, alcool) existent au sein du foyer. Depuis le 11 mai 2020 (date du début du déconfinement), une mise en relation progressive de l’enfant avec sa famille est amorcée en fonction des conditions sanitaires.
Le confinement a aussi suspendu toutes les audiences des tribunaux pour enfants. Ainsi, les familles ont été amputées de leur droit de débat pendant les audiences. Les appels suite aux jugements défavorables aux familles ont été suspendus. Les familles et les enfants vivent cette situation de rupture comme une souffrance intense.
Autre conséquence du COVID-19, la baisse du personnel des foyers d’accueil de l’aide sociale à l’enfance. Les éducateurs, qui font un travail de terrain, ont vu leur mission de service public privée de leur essence. Enfin, les familles d’accueil ont accepté des missions délicates en accueillant des enfants parfois difficilement maîtrisables, comme c’est le cas des adolescents. En effet, plusieurs fugues ont été signalées par les assistants familiaux. Ces derniers ont également pris en charge les enfants porteurs de handicap qui sont habituellement pris en charge la semaine dans des structures d’accueil dédiées.