La loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante du 14 février 2022 réforme le statut juridique de l’entreprise individuelle. Le texte organise notamment la suppression de l’EIRL au profit d’un statut unique plus protecteur du patrimoine personnel de l’indépendant.
Pourquoi réformer le statut de l’entreprise individuelle ?
Jusqu’à présent un entrepreneur qui souhaitait exercer son activité en nom propre avait le choix entre le statut de l’entreprise individuelle (EI) et celui de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL). Il est à noter que la micro-entreprise (anciennement auto-entreprise) relève du statut de l’entreprise individuelle tout en étant soumise à un régime micro-social et fiscal particulier.
Le statut de l’entreprise individuelle, apprécié pour sa simplicité, comporte néanmoins des risques pour le chef d’entreprise. Contrairement à une société dotée de la personnalité morale dès sa création, l’entreprise individuelle n’a pas de personnalité propre. Juridiquement, son patrimoine se confond avec celui de l’entrepreneur. Le patrimoine personnel de l’indépendant est, dès lors, pleinement exposé aux dettes de l’entreprise.
Afin de préserver en partie le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel, la loi a organisé l’insaisissabilité de sa résidence principale et de certains autres biens fonciers sous conditions. La création du statut de l’EIRL en 2010 poursuit ce même but en donnant la possibilité au chef d’entreprise de constituer un patrimoine professionnel distinct de son patrimoine personnel au moyen d’une déclaration d’affectation. Il appartient alors à l’entrepreneur de décider des biens à affecter à l’exploitation de son entreprise afin de mettre à l’abri des éventuelles poursuites des créanciers professionnels ses biens personnels.
Pourtant, le statut de l’EIRL, jugé trop contraignant, ne connaît pas le succès escompté. C’est donc dans un souci de simplification des démarches et d’une meilleure protection des indépendants contre les risques financiers que le législateur décide de réformer le statut de l’entreprise individuelle.
Quels avantages présente le statut unique de l’entrepreneur individuel ?
La loi du 14 février 2022, publiée au journal officiel le jour suivant, instaure un statut unique en faveur des entrepreneurs individuels. Ce nouveau régime juridique, plus protecteur du patrimoine personnel des indépendants, concerne aussi bien les activités professionnelles artisanales, commerciales, libérales qu’agricoles.
Le nouvel article L526-22 du code de commerce rend ainsi automatique la séparation entre les patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel. Le patrimoine professionnel de l’indépendant se compose désormais des seuls éléments utiles à son activité professionnelle. Les autres biens appartenant à son patrimoine personnel ne peuvent plus, par principe, être saisis par les créanciers en cas de défaillance professionnelle. Ces deux patrimoines sont cependant destinés à être réunis en cas de cessation d’activité de l’entrepreneur ou au moment de son décès.
Le statut unique a vocation à s’appliquer à toutes les entreprises individuelles créées après le 15 mai 2022. Pour celles qui existeraient déjà à cette date, la distinction entre les patrimoines personnel et professionnel sera également effective mais uniquement à l’égard des nouvelles créances, c’est-à-dire celles nées après l’entrée en vigueur de la réforme.
Des dérogations au principe de la séparation des patrimoines pour les entrepreneurs individuels sont toutefois prévues. L’entrepreneur a ainsi la faculté de renoncer au bénéfice de cette mesure protectrice pour accepter un engagement précis à la demande d’un créancier, tel qu’un banquier en vue de l’obtention d’un prêt. À savoir également qu’en cas de fraude ou de manquements graves et répétés de l’entrepreneur individuel à ses obligations fiscales ou sociales, le recouvrement de certaines créances, comme l’impôt sur le revenu ou les prélèvements sociaux, peut avoir lieu sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel du redevable.
Dans le cadre de la réforme, la transmission de l’entreprise individuelle est également simplifiée. L’entrepreneur peut désormais céder, donner ou apporter en société l’intégralité de son patrimoine professionnel sans recourir à la liquidation de l’entreprise. Il s’agit, en ce cas, d’un transfert universel du patrimoine professionnel de l’indépendant et non plus, uniquement, du transfert de l’activité exploitée (fonds de commerce, artisanal…). L’entrepreneur peut, par ailleurs, décider de ne transférer que certains éléments de son patrimoine professionnel aux conditions légales propres à la nature de chaque transfert.
Quel devenir pour les EIRL ?
La loi du 14 février 2022 supprime le statut, peu utilisé, d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL). Les principaux avantages de ce régime juridique étant intégrés dans le nouveau statut unique de l’entreprise individuelle, la disparition des EIRL est progressivement programmée.
En effet, si aucune nouvelle entreprise de ce type ne peut plus être constituée, les EIRL déjà créées au 15 février 2022 restent autorisées à poursuivre l’exercice de leur activité sous ce statut, aux conditions régies par les articles L526-6 à L526-21 du code de commerce.
L’extinction des EIRL suite au décès de l’entrepreneur est également planifiée puisque les héritiers ne sont plus autorisés à reprendre le patrimoine affecté de l’entrepreneur décédé, ni à en constituer un nouveau.
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