Le cyber-harcèlement est un véritable phénomène de société. 20 % des jeunes âgés de 8 à 18 ans sont exposés au harcèlement en ligne, majoritairement les jeunes filles. Le harcèlement peut prendre des formes multiples, individuelles ou collectives. Mais il est plus difficile à cerner lorsqu’il prend la forme d’une communication virale par le biais d’un support électronique. Le harcèlement sur Internet est parfois un acte collectif, ce qui complique la chose sur le terrain de la preuve. A la fois pour démontrer le préjudice et à la fois pour apporter la preuve des faits.
Caractériser le cyber-harcèlement
Il n’existe pas de délit de cyber-harcèlement stricto sensu. Mais, depuis la Loi du 3 août 2018 , le Code pénal considère comme une circonstance aggravante l’acte de harcèlement commis par le biais d’un support numérique. La peine encourue est alors portée à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende. Le législateur souhaite ainsi punir son caractère potentiellement viral et les conséquences aggravées qui en découlent. Il peut être d’ordre sexuel ou moral.
La définition du harcèlement
Le Code pénal définit le harcèlement sexuel comme le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste. Ces agissements dégradants ou humiliants sont de nature à porter atteinte à la dignité de la personne. Et créent une situation déséquilibrée intimidante ou offensante.
Ce délit est puni d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.
Le harcèlement moral consiste en des comportements répétés à l’égard d’une personne. Et qui ont pour objet ou pour effet de produire une dégradation de ses conditions de vie. Notamment sur sa santé physique ou mentale. Il est puni d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
Caractérisation du préjudice
Pour caractériser un préjudice, il faut ainsi démontrer le caractère répété des agissements ou concerté. Et s’il s’agit d’un harcèlement de groupe et apporter la preuve d’une dégradation des conditions de vie de la victime.
Ce dernier élément repose généralement sur la production d’un certificat médical par la victime, attestant de l’atteinte à sa santé physique ou mentale.
Néanmoins, la dégradation des conditions de vie de la victime peut aussi se déduire de la nature même de propos injurieux ou de menaces de mort. Dans une affaire récente de cyber-harcèlement à l’encontre d’une jeune fille, le tribunal correctionnel de Paris a considéré que des menaces de mort, des propos injurieux ou incitant à porter atteinte à l’intégrité physique ou psychique de la victime constituaient nécessairement une dégradation de ses conditions de vie.
Prouver l’existence du harcèlement malgré la volatilité des contenus
Le cyber-harcèlement se manifeste au travers de contenus, écrits, photos ou vidéos, échangés au moyen de messagerie électronique, de réseaux sociaux ou d’espace de jeux en ligne. C’est un acte agressif qui vise de façon répétée une victime fragile qui ne peut se défendre seule. Il peut prendre des formes multiples comme les intimidations ou moqueries en ligne, la propagation de rumeurs, la publication de photos dégradantes ou encore l’usurpation d’identité. Il prend une dimension à part compte tenu de sa portée virale. Cette cyberviolence produit de graves conséquences sur le bien-être et la santé mentale des victimes. Or, il est souvent difficile pour la victime de démontrer l’existence des propos ou des comportements constitutifs d’un cyber-harcèlement. En effet, les preuves sont volatiles et leurs auteurs peuvent les faire disparaître à tout moment.
Sur le plan de la preuve, la simple capture d’écran est insuffisante et ne peut constituer qu’un commencement de preuve par écrit. Il est préférable dans ce cas de faire dresser un procès-verbal de constat par huissier. Mais ce n’est pas toujours évident en pratique et des sites spécialisés voient ainsi le jour sur Internet. Quid de la valeur probatoire de ces pages web archivées dans l’urgence pendant qu’elles sont encore accessibles, pour prouver l’existence d’une image ou d’un message ? Dans une jurisprudence récente (Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – chambre 11, 16 avril 2021, n° 18/24048), les juges ont ainsi rappelé que les constats établis au moyen de site internet spécialisé n’ont pas la force probante d’un acte d’huissier et qu’ils n’ont à ce titre que la valeur de renseignements qui peuvent être corroborés par d’autres éléments de preuve. Néanmoins, cela augmente significativement la chance des victimes d’obtenir réparation.
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