Si un locataire abandonne un logement de manière brusque et imprévisible sans demander une résiliation du bail dans les règles, un propriétaire ne peut reprendre possession des lieux immédiatement. Il doit d’abord s’adjoindre les services d’un huissier puis porter l’affaire devant un juge, avant de prévenir le locataire et d’attendre un délai de contestation établi au préalable par la loi.
Faire constater l’abandon par un huissier
Même s’il a constaté de lui-même l’abandon du logement, un propriétaire ne peut reprendre immédiatement son bien pour le remettre en location, sous peine de voir le nouveau contrat de bail être déclaré nul. Pour reprendre possession du logement, une procédure très réglementée doit être suivie pendant plusieurs mois.
Une mise en demeure préalable
Si le propriétaire soupçonne que le logement a été abandonné par un ou des locataire(s), il doit d’abord contacter un huissier. Dans le cas où la suspicion d’abandon du logement vient d’un non-paiement du loyer, le commandement de payer rédigé par l’huissier peut également contenir une mise en demeure de justifier l’occupation du logement.
Les locataires disposent d’un mois pour répondre à la demande de l’huissier. Passé ce délai, ce dernier dresse alors un constat d’abandon et une autre phase de la procédure commence.
Réaliser un constat d’abandon
S’il n’a reçu aucune réponse après un mois, l’huissier doit officiellement constater que le logement a été abandonné. Pour ce faire, il peut se rendre dans le logement mais doit impérativement être accompagné d’au moins une autre personne. Les personnes qui accompagnent l’huissier peuvent être :
- le maire de la commune (ou tout autre conseiller ou agent municipal habilité) ;
- un personne dépositaire de l’autorité publique (police ou gendarmerie) ;
- deux témoins majeurs n’ayant aucun lien avec l’huissier ou le bailleur.
Après son entrée dans le logement, l’huissier doit dresser un procès-verbal et constater si des meubles ont été laissés par les occupants ainsi que leur valeur apparente.
Saisine et décision d’un juge des contentieux de la protection
Une fois que le procès-verbal a été établi, c’est au bailleur de saisir le juge des contentieux de la protection pour obtenir une possible résiliation du bail. Dans sa demande, le propriétaire doit mentionner son identité complète ainsi que l’objet de sa requête. Il doit également joindre toutes les pièces justificatives témoignant de l’abandon du logement ainsi que le procès-verbal dressé par l’huissier.
Le juge qui reçoit la demande doit statuer par ordonnance. Après l’examen du dossier et s’il estime que la requête est légitime, l’ordonnance doit contenir les éléments suivants :
- la résiliation du bail de location ;
- la reprise des lieux ainsi qu’une décision concernant toute demande de paiement faisant suite à des impayés ;
- la désignation des biens qui ont une valeur marchande effective ;
- leur mise aux enchères.
Dans le cas où la demande du bailleur n’est pas considérée comme légitime, la requête est rejetée et le propriétaire n’a aucune voie de recours contre la décision. S’il estime qu’il est en droit de reprendre le logement, il doit engager une procédure d’expulsion classique, souvent plus longue.
La nécessité d’informer les locataires
Quelle que soit la décision rendue, le bailleur dispose d’un délai de deux mois pour prévenir les locataires du résultat, en passant à nouveau par un huissier de justice. Au-delà de cette période, l’ordonnance prononcée par le juge devient nulle.
Dans son courrier de notification, l’huissier doit intégrer plusieurs éléments :
- la décision du juge des contentieux de la protection ;
- les possibilités de contestation (comprenant les délais et le tribunal compétent) ;
- l’absence de tout recours possible au-delà du délai légal de contestation ;
- les possibilités de prendre connaissance des documents justificatifs fournis par le bailleur à la justice ;
- la possibilité de venir chercher ses effets personnels dans un délai d’un mois.
La lettre peut être envoyée par recommandé avec accusé de réception mais l’huissier peut également la remettre en mains propres. Dans ce dernier cas, il doit alors également informer verbalement le locataire des droits cités dans la lettre.
Un locataire peut-il contester la décision ?
Un locataire est en droit de contester l’ordonnance du juge et dispose d’un délai de trente jours à compter de la réception de la décision. Une déclaration doit obligatoirement être envoyée ou remise au tribunal compétent. Une fois la déclaration reçue, la date de l’audience est notifiée aux deux parties par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception.
Lors du jugement, le juge peut confirmer la décision prise précédemment. Si au contraire, il juge que la demande du bailleur est abusive, l’ordonnance peut être déclarée nulle et le bailleur condamné à une amende pouvant aller jusqu’à 10 000 euros.
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