Comment est garanti le respect du principe de laïcité au sein du service pénitentiaire ? Le service public pénitentiaire est étymologiquement lié à la chrétienté. Il concentre toutes les préoccupations religieuses auxquelles les agents publics doivent faire face dans leurs rapports avec les détenus.
Le service public pénitentiaire est soumis au même régime que les autres services publics, régis par les principes de continuité, de mutabilité et d’égalité. Ce dernier a pour corollaire le principe de neutralité, dont le principe de laïcité est dérivé. Le principe de laïcité est issu de la Loi relative à la séparation de l’Église et de l’État du 9 décembre 1905. Aux termes de celle-ci « la République assure la liberté de conscience » (article 1er). Par ailleurs elle prévoit que la République « ne reconnait, ne salarie et ne subventionne aucun culte » (article 2).
La Constitution de 1946 et la Constitution du 4 octobre 1958 ont conféré au principe de laïcité une valeur constitutionnelle. L’article 1er de la Constitution de 1958 dispose que la France est une République laïque. Il continue en ces termes :
Elle « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion » et respecte « toutes les croyances ».
Découvrons comment est mis en œuvre le principe de laïcité au sein du service public pénitentiaire.
Une conciliation nécessaire entre liberté religieuse et ordre public
Un libre exercice des cultes garanti par l’administration pénitentiaire
En vertu de la loi de 1905 « l’Etat ne reconnait ni ne subventionne aucun culte ». Cela est également retranscrit à l’article 1er de la Constitution. Cependant, l’administration pénitentiaire est tenue de permettre et d’organiser le libre exercice des cultes. C’est pourquoi, le législateur a autorisé l’existence et le financement public des aumôniers au sein des prisons. C’est au sein de l’article 2 de la loi de 1905 que cela est prévu. Il dispose que « pourront être inscrites au budget de l’Etat, des départements et des communes les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que (…) les prisons ».
Le libre exercice des cultes encadré par l’administration pénitentiaire
L’article 1er de la loi du 1905 dispose que « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées dans l’intérêt de l’ordre public ». Les composantes traditionnelles de l’ordre public sont :
- la sécurité,
- la tranquillité,
- et la salubrité.
Ainsi, l’avis du 24 mars 2011 relatif à l’exercice du culte dans les lieux de privation de liberté rappelle que :
« l’administration n’est pas obligée d’agréer un aumônier dont il ne serait pas entendu qu’il entend respecter les règles nécessaires à l’ordre public d’un lieu de privation de liberté ni d’autoriser des pratiques du culte qui ne se concilieraient pas avec les nécessités de l’ordre public, notamment avec le déroulement de la vie collective de l’établissement, en ce qu’elles pourraient y susciter des tensions. »
Le principe de laïcité, corollaire des principes de neutralité et d’égalité
La non-manifestation des convictions religieuses des dépositaires de missions de service public
Sont concernés les agents publics et les agents des organismes privés assurant une mission de service public.
Les agents publics qui relèvent de l’administration pénitentiaire sont soumis au principe de neutralité de manière stricte.
Cependant, initialement, le statut de la Fonction publique de 1983 ne prévoyait aucune règle en matière religieuse. Il faudra attendre la loi du 20 avril 2016 pour que le principe général de neutralité et la laïcité soient introduits dans le statut de 1983. Son article 1, modifiant l’article 25 de la loi de 1983, est rédigé comme suit :
« Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité, et probité. Dans l’exercice de ses fonctions, il est tenu à l’obligation de neutralité.»
Les agents des organismes privés assurant une mission de service public peuvent être soumis à l’interdiction de manifester leur religion. (Cour de cassation, Chambre sociale, 19 mars 2013, « Mme X c. CPAM de Seine St-Denis »).
La non-discrimination des personnes détenues en raison de leurs convictions religieuses
Le droit français se réfère traditionnellement au principe d’égalité, proclamé par le bloc de constitutionnalité aux articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ainsi qu’à l’article 1er de la Constitution, et par la jurisprudence administrative en matière de fonctionnement des services publics (Conseil d’État, Section, du 9 mars 1951, n°92004). Plus récemment, le droit français a consacré le principe de non-discrimination, issu de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Ceci implique concrètement la nécessité pour les agents d’adapter leurs comportements, et en particulier dans le cadre des interventions en cellule, en salle polycultuelle, et du maniement des objets cultuels.
Dans le domaine pénitentiaire, la tendance semble ainsi aller vers une « laïcité ouverte » qui intègre le fait religieux plutôt qu’elle ne l’ignore. C’est ainsi ce que rapporte la note du 16 juillet 2014 relative à la pratique du culte en détention : « Le personnel de l’administration pénitentiaire est, en toutes circonstances, tenu de faire preuve d’une neutralité respectueuse vis-à-vis des pratiques religieuses des personnes qui lui sont confiées. »