La télésurveillance ou vidéosurveillance ne peut être utilisée en entreprise que sous certaines conditions et dans certaines limites. Même lorsque le recours à un tel dispositif est légitime, les salariés disposent de droits fondamentaux pour lutter contre les mesures de contrôle excessives.
Quand la vidéosurveillance sur le lieu de travail est-elle autorisée ?
L’employeur bénéficie, du fait de son pouvoir de direction, d’un droit de contrôle et de surveillance sur l’activité de ses salariés pendant leurs heures de travail. L’exercice de ce droit est toutefois encadré, de manière stricte, par des principes essentiels.
La protection de la vie privée du salarié (article 9 du Code civil)
Lors de la mise en place du dispositif de télésurveillance, l’employeur doit garantir aux salariés le respect de leur vie privée, pendant et en dehors de leur temps de travail, même à l’intérieur de l’entreprise.
La proportionnalité et la justification des mesures de contrôle (article L1121-1 du Code du travail)
Le fait d’équiper un lieu de caméras de surveillance impacte nécessairement les droits des personnes de même que les libertés individuelles et collectives. Pour être licites, les restrictions apportées par la vidéosurveillance aux libertés et droits fondamentaux des salariés doivent être :
- « justifiées par la nature de la tâche à accomplir ». L’installation d’un système de vidéosurveillance des salariés sur leur lieu de travail doit donc poursuivre un objectif légitime qui peut notamment être motivé par la sécurité des personnes ou des biens, ou encore la lutte contre la concurrence déloyale ou le vol ;
- « proportionnées au but recherché ». Le caractère proportionné de la mesure de surveillance repose potentiellement sur le nombre de caméras placées dans le local, leur orientation, leur durée de fonctionnement et la présence ou non d’un équipement audio.
Quelles sont les limites concrètes à la télésurveillance ?
La télésurveillance, justifiée et proportionnée, est considérée comme un moyen de contrôle légitime au sein de l’entreprise. L’employeur est alors libre de filmer les voies d’accès au bâtiment, les entrées, sorties et issues de secours de l’immeuble, ainsi que les zones dédiées à l’entrepôt des marchandises ou des biens de valeur. En revanche, il est admis que les salles de pause ou de repos des salariés, les sanitaires et les locaux syndicaux ne peuvent faire l’objet d’une vidéosurveillance.
Même lorsque sa présence est justifiée, la surveillance exercée par l’employeur par le biais de caméras ne doit être ni générale ni permanente. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) précise en ce sens que, sauf situations exceptionnelles, aucune caméra ne peut viser directement un salarié sur son poste de travail. Pour ces mêmes raisons, il n’est pas permis à un employeur d’imposer aux salariés en télétravail une activation permanente de leur caméra.
La surveillance globale d’un local salarié ou du passage des employés à la pointeuse peut ainsi se révéler litigieuse. Récemment, dans un arrêt du 23 juin 2021, la Cour de cassation a remis en cause le caractère proportionné d’une mesure de contrôle qui s’exerçait de manière constante par vidéosurveillance sur un salarié seul en poste en cuisine.
Quelles sont les obligations de l’employeur lors de la mise en place d’une vidéosurveillance ?
Dans un premier temps, l’employeur a l’obligation d’informer et de consulter les représentants du personnel sur tout projet d’aménagement d’une surveillance de l’entreprise par caméras.
Si le lieu placé sous vidéosurveillance n’est pas ouvert au public (tel des locaux réservés au personnel) aucune démarche particulière n’est exigée auprès de la CNIL. Dans le cas contraire, une autorisation préalable à la mise en place du dispositif doit être requise auprès du préfet du département ou du préfet de police à Paris.
Le responsable ou le délégué à la protection des données (DPO) collabore ensuite au processus de mise en place de la télésurveillance.
Enfin, l’existence de la télésurveillance, en tant que système de contrôle spécifique, doit être portée à la connaissance des salariés. Cette information est réalisée au moyen d’un affichage permanent dans les lieux soumis à la surveillance. Chaque salarié doit, en outre, être averti de l’installation du système à titre individuel à moins que les caméras ne soient placées dans un endroit non fréquenté par les employés.
Comment les images des caméras sont-elles exploitées ?
Les images enregistrées sont visionnables uniquement par l’employeur, ou toute autre personne qu’il a habilitée à cet effet, en veillant au respect du traitement des données personnelles et de la vie privée des salariés. La consultation à distance de ces images n’est autorisée qu’au moyen d’un accès sécurisé.
L’employeur fixe la durée de conservation de ces images qui est, en moyenne, d’un mois maximum. Toutefois, lorsqu’elles présentent un intérêt dans le cadre d’une vérification suite à un incident, les images peuvent être extraites de l’enregistrement pour être conservées plus longtemps. Les images issues d’un contrôle licite restent exploitables dans le cadre d’une procédure pénale ou disciplinaire.
Image : Israel Andrade on Unsplash