L’essor des plates-formes de streaming a bouleversé la situation juridique des artistes-interprètes de la musique. L’évolution des nouvelles technologies a peu à peu conduit à l’élaboration de nouvelles normes internationales. Pour autant, les droits des artistes restent fragiles face à la vente d’œuvre dématérialisée. Et l’épidémie de Covid-19 n’a fait que mettre en évidence une situation inéquitable en privant les artistes des revenus des concerts. Le live stream est alors devenu un outil marketing de promotion indispensable pour les artistes, permettant de maintenir un lien précieux avec le public. Pourtant le recours aux plateformes de streaming comme Spotify, Deezer ou Apple music, et la multiplication des instants musicaux partagés sur les réseaux sociaux posent de réelles questions concernant la rémunération des droits des artistes. Heureusement, les acteurs économiques s’emploient à mettre en place un modèle qui valorise le travail de l’artiste et le produit numérique comme une œuvre à part entière.
Le droit de la mise à la disposition du public
Le droit patrimonial dans l’industrie de la musique recouvre :
– Le droit de reproduction mécanique, c’est-à-dire la rémunération de l’auteur par la fixation d’une œuvre sur un support afin de la communiquer au public ;
– Et le droit de représentation publique, qui concerne la communication de l’œuvre au public au moyen de concerts par exemple.
Le traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, adopté le 30 juin 1996, a eu pour objet d’adapter les droits des artistes-interprètes et des producteurs au nouvel environnement numérique de la musique. Son article 10 reconnaît notamment le droit exclusif d’autoriser la mise à la disposition du public de la prestation des artistes-interprètes de manière que chacun puisse y avoir accès individuellement.
Dans un premier temps, les artistes cèdent leurs droits au producteur (maison de disques, label indépendant) dans le cadre d’un contrat d’enregistrement exclusif et sont rémunérés de manière proportionnelle selon le taux prévu au contrat. Le producteur devient alors cessionnaire des droits de l’artiste-interprète et titulaire de ses propres droits voisins. Il négocie alors des accords avec les plates-formes pour l’exploitation des enregistrements.
Mais, le calcul des redevances proposées par les plates-formes prête à controverse. Actuellement, les recettes des abonnements sont réparties aux ayants-droit selon un ratio entre le nombre de streams proposés dans leur catalogue et le nombre de streams réalisés sur la plate-forme pendant une période donnée. Les paiements des abonnés ne sont donc pas uniquement destinés aux artistes qu’ils écoutent.
La recherche d’un nouveau modèle économique
Certaines plateformes tendent à modifier le système sur la base d’un modèle centré sur l’utilisateur. Les abonnements servent alors à rémunérer uniquement les artistes que les utilisateurs écoutent. Plus équitable, ce système tend à plus de cohérence entre les revenus des artistes et la réalité de l’écoute. Pour autant, cela ne modifie pas radicalement le niveau de la rémunération perçue par les artistes. Les contrats d’exclusivité sont en revanche un bon moyen pour les artistes de se différencier et de garder un certain contrôle sur leur business.
Afin de favoriser un marché numérique équitable, la directive européenne n° 2019/790 du 17 avril 2019, sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique a renforcé les droits des artistes-interprètes. Son article 18 affirme le principe selon lequel les artistes doivent recevoir une rémunération appropriée pour l’utilisation de leur travail. Celui-ci est transposé dans l’article L. 212-3 du Code de la propriété intellectuelle.
Par ailleurs, le nouvel article L. 212-14 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que la mise à disposition de l’écoute de l’œuvre requiert la garantie d’une rémunération minimale. Ces modalités sont établies par accord spécifique conclu entre les organisations professionnelles et organismes de gestion collective représentants les artistes-interprètes d’une part et les producteurs de phonogrammes d’autre part.
Les organismes de gestion collective peuvent ainsi prendre part à la négociation. Intermédiaires indispensables pour rééquilibrer les relations contractuelles, ils permettent de réaffirmer la place centrale des artistes. Cela tend à soutenir la valeur particulière de leur musique qui ne peut être traitée comme un simple produit.
Image : Alexander Sinn on Unsplash