L’organisation très flexible de la société par actions simplifiée (SAS) présente notamment l’avantage de fixer librement les conditions d’adoption des décisions collectives. Or, une décision récente de la Cour de cassation remet en cause l’étendue de cette liberté statutaire en ce qui concerne la détermination des règles de majorité.
Comment sont prises les décisions collectives dans une SAS ?
L’acte constitutif de la SAS est particulièrement apprécié pour la grande souplesse qui domine sa rédaction. Le Code de commerce accorde, en effet, aux rédacteurs des statuts une importante liberté dans la répartition des compétences entre les différents organes décisionnaires de la société (collectivité des associés, président, directeur général, conseil d’administration…).
En dehors de son pouvoir de représentation, le Président de la SAS a généralement pour mission d’assurer la direction interne de la société. Toutefois, les associés ont la possibilité de limiter voire de supprimer ses pouvoirs au profit d’autres organes sociaux.
En revanche, le législateur énumère à l’article L227-9 du Code de commerce, notamment, les domaines de compétence réservés à l’assemblée générale des associés de la SAS. Sont ainsi obligatoirement prises par la collectivité des associés les décisions relatives :
- à la modification du capital social ;
- aux opérations de fusion, scission, dissolution ou transformation de la société ;
- à la nomination des commissaires aux comptes ;
- à l’approbation des comptes annuels et des conventions réglementées, ainsi qu’à la répartition des bénéfices ;
- aux clauses d’inaliénabilité ou d’exclusion…
Le non-respect de la consultation des associés dans les cas où celle-ci est imposée par la loi est sanctionné par la nullité des décisions concernées.
Peut-on fixer librement les règles de majorité en SAS ?
Aux termes de l’article L227-9 du Code de commerce, il appartient aux statuts de la SAS de déterminer le mode de fonctionnement des assemblées générales des associés. Les conditions de quorum et de majorité nécessaires pour l’adoption des décisions collectives sont donc définies par les dispositions statutaires. Cette faculté permet aux membres de la SAS d’appliquer des règles différentes de celles prévues au sein de la société anonyme.
Pour bénéficier de cette souplesse, il est essentiel de préciser les conditions de quorum et de majorité dans l’acte constitutif de la société. En cas de silence des statuts sur ce point, la SAS prendrait en effet le risque de devoir appliquer le principe des décisions unanimes pour la validité de ses délibérations.
Cette unanimité des associés est d’ailleurs impérativement requise par la loi pour l’insertion ou la modification de certaines clauses statutaires ayant trait, entre autres, à l’inaliénabilité des titres, la suspension du droit de vote, l’exclusion ou l’augmentation des engagements d’un associé.
Toutefois, dans un arrêt du 19 janvier 2022, la Cour de cassation vient relativiser la liberté offerte par l’article L227-9 du Code de commerce. Pour être valables, les résolutions de SAS doivent désormais atteindre un nombre de voix au moins équivalent à la majorité simple des votes exprimés. La Cour justifie sa décision par le fait que la règle d’adoption des résolutions prévoit un examen collectif des associés ; celui-ci doit donc permettre de départager les partisans et les opposants à la résolution proposée, en comptabilisant pour l’une ou l’autre des parties un minimum de 50 % des voix. Or, la disposition statutaire qui retient pour l’adoption des résolutions une proportion d’associés inférieure à la moitié des droits de vote des associés présents ou représentés ne permet pas d’obtenir un nombre de votes positifs supérieur au nombre de votes négatifs.
Comment fonctionne le droit de vote en SAS ?
Les décisions collectives impliquent l’ensemble des associés de la société, y compris lorsque des droits différents leur sont attribués.
En effet, s’il est impossible de priver un associé de son droit de vote, la liberté contractuelle issue de la rédaction des clauses statutaires de la SAS donne la possibilité d’aménager les droits de vote des associés. Les statuts, de même que les pactes d’associés, peuvent ainsi octroyer à certains d’entre eux, spécifiquement désignés, ou à certaines catégories d’associés des actions de préférence ou avantages particuliers.
Ces avantages peuvent, notamment, prendre la forme d’un droit de vote multiple, d’un droit de veto pour des décisions particulières ou d’un système de doubles majorités. Par le jeu de ces aménagements, un associé minoritaire en termes d’apport en capital peut ainsi devenir majoritaire en termes de droits de votes lors des prises de décisions collectives.
De même, les statuts de la SAS ont la possibilité d’envisager différents modes de comptage des voix nécessaires à l’obtention de la majorité pour l’adoption des délibérations (uniquement les voix exprimées, les voix des associés présents ou représentés ou encore la totalité des voix attachées aux actions composant le capital social).