Les collectivités territoriales n’ont aucune obligation de distribuer des menus de substitution au sein des cantines scolaires. Cependant, il est possible de le proposer aux usagers. Les principes de laïcité et de neutralité du service public et d’égalité des usagers n’y font pas obstacle. Tel est le principe posé dans la décision rendue par le Conseil d’Etat.
Les faits d’espèce
En l’espèce, la commune de Chalon-sur-Saône a pris la décision de ne plus proposer aux élèves des menus alternatifs aux plats contenant du porc. Cette décision est prise pour tous les restaurants scolaires gérés par les collectivités territoriales par délibération du conseil municipal en date du 29 septembre 2015. L’information a été transmise par communiqué de presse du maire en date du 16 mars 2015. Le fondement invoqué est celui du principe de laïcité.
La procédure
La Ligue de défense judiciaire des musulmans (LDJM) a effectué un recours grâcieux contre cette décision du maire. Celui-ci a finalement été rejetée de manière implicite du fait du silence gardé par la mairie. Par la suite, la LDJM a demandé au tribunal administratif de Dijon l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du maire ainsi que la décision implicite de rejet contre ce recours grâcieux. Par ailleurs, la Ligue de défense judiciaire des musulmans a attaqué la délibération du conseil municipal de la commune. Celui-ci approuvait le nouveau règlement des cantines scolaire confirmant la suppression des menus de substitution.
Le tribunal administratif de Dijon ainsi que la cour administrative d’appel de Lyon ont fait droit à leurs demandes.
La commune de Châlon-sur-Saône se pourvoit en cassation en demandant au Conseil d’Etat l’annulation de cet arrêt. Elle demande également aux juges de régler l’affaire au fond.
La problématique juridique
Les principes de laïcité, de neutralité du service public et d’égalité des usagers devant ce dernier justifient-ils la décision du maire ?
La solution rendue par le Conseil d’Etat
Le Conseil d’Etat affirme de manière claire qu’il n’existe aucune obligation pour les collectivités territoriales gestionnaires de distribuer des repas de substitution sur le fondement de l’article 1er de la Constitution. D’autre part, les principes constitutionnels ne font pas obstacle à ce que les collectivités puissent proposer de tels menus. En vertu de ce principe, le Conseil d’Etat affirme qu’il en est de l’intérêt général de s’assurer que les enfants puissent bénéficier du service public de restauration scolaire. Toutefois il convient de prendre en considération les exigences du bon fonctionnement du service et des moyens dont disposent les collectivités.
L’analyse de la décision
Le Conseil d’Etat a eu affaire à un sujet sensible. C’est de manière nuancée mais affirmative que la Haute Juridiction a finalement énoncé sa décision. En effet, il affirme dans son considérant 6, que les principes de laïcité et de neutralité du service public ainsi que le principe d’égalité des usagers devant le service public ne font pas obstacle à ce que les collectivités puissent proposer des menus de substitution. En cela il s’oppose à une conception juridique de la laïcité qui ferait fi des croyances religieuses des usagers du service public. Toutefois, le Conseil d’Etat rappelle tout de même qu’aucun usager ne peut se prévaloir de sa croyance religieuse pour exiger de tels menus en pareille circonstance. Dès lors le Conseil d’Etat se place sur un terrain strictement juridique en rejetant les demandes de la commune requérante. La Haute juridiction laisse finalement la liberté aux collectivités territoriales de gérer leur service public de restauration scolaire en fonction des moyens dont elles disposent.