Depuis plusieurs années, on souhaite assouplir l’interdiction de publicité pesant sur les médecins. En 2018, dans une étude consacrée aux règles applicables aux professionnels de santé en matière de publicité, le Conseil d’État proposait la suppression de cette interdiction et la mise en place d’un principe de libre communication de l’information au public dès lors qu’elle est réalisée dans le respect des règles de déontologie. De même, en janvier 2019, l’Autorité de la Concurrence appelait à lever cette interdiction. Dans une décision rendue le 6 novembre 2019, le Conseil d’État marque la fin de l’interdiction générale de la publicité. L’occasion de faire un focus sur cette question et d’envisager un assouplissement du Code de la santé publique.
Le principe de l’interdiction de publicité des médecins
La médecine n’est pas une activité commerciale. À ce titre, l’article R. 4127-19 du Code de la santé publique dispose que les médecins ne peuvent en aucune façon avoir recours aux procédés de publicité, particulièrement à la mise en place de signalétique qui donnerait à leurs locaux une apparence commerciale. De même, le code précise que le médecin doit se garder de toute attitude publicitaire lorsqu’il participe à une action d’information du public à caractère éducatif et sanitaire et qu’il ne doit pas faire un usage publicitaire de son nom ou de sa qualification professionnelle. Le médecin doit donc être très attentif à ces restrictions dans son exercice. La discrétion est de rigueur quel que soit le support de communication : plaque professionnelle, feuille d’ordonnance, annuaire ou encore site internet. Conformément aux exigences déontologiques, toute communication doit être sobre, avoir un caractère informatif et exempt de toute forme de réclame.
La fin de l’interdiction générale et absolue
À l’origine de la décision du Conseil d’État, un médecin généraliste fait l’objet d’une plainte de la part d’un de ses pairs aux motifs, d’une part, que sa parution dans un article de presse constitue une publicité déguisée, et d’autre part, que la signalétique de son cabinet médical est trop voyante. Il est alors sanctionné par la chambre disciplinaire. Après une procédure d’appel infructueuse, le médecin saisit le Conseil d’État. Si la signalisation du cabinet semble enfreindre les règles de discrétion, l’attitude publicitaire du médecin dans la presse n’est pas qualifiée. La haute autorité demande la suppression de l’interdiction de publicité et suggère la libre communication sous réserve qu’elle soit loyale et honnête. Cette question se joue notamment au niveau européen. Selon le Conseil d’État, l’interdiction totale de publicité pour les médecins et dentistes français n’est pas conforme au droit européen. En effet, l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne interdit les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union. Il faut considérer que la notion de service s’entend également de l’activité médicale et qu’elle rentre donc dans ce champ. Il rappelle d’ailleurs que, dans un arrêt du 4 mai 2017, la Cour de justice européenne avait jugé que cette interdiction était contraire aux traités fondateurs de l’Union. L’heure est donc au changement.
Vers un assouplissement du code de la santé publique
La publicité, déjà autorisée pour les établissements de santé, devrait donc désormais également être permise aux professions médicales. Le Code de la santé publique devra en définir les contours afin que les procédés utilisés soient compatibles avec les règles déontologiques. La volonté de faire de la publicité ne doit pas contrevenir au principe de santé publique, à la dignité de la profession médicale et à la confraternité de ses membres. Parmi les méthodes envisageables, on peut tout d’abord considérer que les praticiens puissent librement faire mention de leurs spécialités, dès lors qu’elles sont admises par les autorités ordinales, et des formations suivies dans le cadre de leur développement professionnel continu. Ils pourraient par ailleurs parler en toute liberté de leur participation à des actions de santé publique. De même, les médecins seraient autorisés à communiquer sur les actes couramment pratiqués et les équipements disponibles au sein de leur cabinet. Enfin, sur la question des sites internet, la possibilité d’avoir recours à la publicité devrait leur permettre d’utiliser les outils de référencement payants pour renforcer leur présence sur les moteurs de recherche.
Si l’interdiction générale et absolue de toute publicité pour les professionnels de santé semble appartenir au passé, reste néanmoins à définir le cadre strict de son utilisation. Un nouvel enjeu pour le pouvoir réglementaire et pour les garants de sa bonne pratique.