Dans un monde placé sous le signe de la robotisation et de la connectivité, de nombreux artistes utilisent désormais des robots pour la réalisation de leurs œuvres. Ainsi, l’exposition « Artistes et Robots » réunissait en 2018 plusieurs œuvres issues de robots au Grand Palais à Paris. Cette nouvelle forme de création artistique pousse à se questionner sur la notion d’œuvre d’art et la question de l’humanité. Cette évolution bouscule également du point de vue juridique concernant la notion de droit d’auteur. En principe, le droit d’auteur protège une œuvre issue de l’intervention humaine. Mais lorsque l’homme utilise un robot doté d’une intelligence artificielle, on peut s’interroger sur l’auteur de l’œuvre. Est-elle la création de l’homme ou celle du robot ? Cette question pose de véritables enjeux, juridique et économique.
Protection d’une création originale
Selon le Code de la propriété intellectuelle, le droit d’auteur protège une œuvre originale qui reflète la personnalité de son auteur. Pour être protégée, la création doit donc découler d’une intervention humaine. Lorsque l’artiste utilise un robot dans son processus créatif, il convient de savoir si le robot est un simple assistant outil ou s’il devient le créateur de l’œuvre. Selon les juges, l’utilisation d’une machine n’enlève en rien le caractère original de l’œuvre par son concepteur. Ainsi, le Tribunal de Grande Instance de Paris considérait dans un jugement en date du 5 juillet 2000 qu’une création musicale assistée par ordinateur est une œuvre originale dès lors qu’elle implique une intervention humaine.
Il en va de même lorsque la création est générée de façon autonome par robot-artiste doté d’une intelligence artificielle, sans intervention directe d’une personne physique. Le robot ne peut pas réellement être considéré comme un auteur, car il n’a pas de conscience et de personnalité juridique. Sans auteur, pas de création originale possible. La qualification d’œuvre de l’esprit est donc exclue. En revanche, le robot procède de la création de l’homme et on peut considérer qu’il y a une intention artistique et humaine dans sa démarche créative.
Néanmoins, la situation juridique n’est pas simple. Plusieurs intervenants humains peuvent prendre part au processus créatif, du concepteur à l’utilisateur, et ainsi réclamer la titularité du droit d’auteur.
Titularité du droit d’auteur
Le concepteur du robot pourrait prétendre au droit d’auteur dans la mesure où il définit les données initiales du robot et le processus d’algorithme. Il peut toutefois déjà obtenir une protection en qualité d’auteur du logiciel, permettant à son tour à l’intelligence artificielle de créer. De même, l’utilisateur du robot pourrait être envisagé comme l’auteur de l’œuvre, car il lance le processus créatif en déclenchant la machine. Toutefois, sa démarche créative est assez minime puisqu’il se contente de manipuler le robot en appuyant sur un bouton par exemple, alors que la machine fait le reste. Il est difficile dans ce cas d’y voir une réelle intention créative humaine.
La solution serait peut-être sur le terrain de l’œuvre collective sur le fondement de l’article L. 113-2 al.3 du Code de la propriété intellectuelle. La loi définit l’œuvre collective comme celle dans laquelle les contributions personnelles des différents auteurs ayant participé à son élaboration se fondent dans un ensemble. Il est alors impossible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé. De fait, le titulaire du droit d’auteur est attribué à la personne physique ou morale qui prend l’initiative de cette œuvre, l’édite, la publie et la divulgue sous son nom.
La situation est loin d’être simple. Ces avancées technologiques témoignent de la nécessité d’un cadre légal spécifique pour les œuvres créées par des ordinateurs ou des robots. En attendant, d’autres voies juridiques permettent d’apporter une protection à l’auteur. Ainsi, le programmateur du robot peut être rémunéré par une licence d’utilisation de logiciel. De même, les actions en concurrences déloyales et agissements parasitaires permettent de faire opposition à l’utilisation illicite d’une technologie.
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