La dissimulation d’une infraction aux règles d’urbanisme par le vendeur est constitutive d’une réticence dolosive lors d’une vente immobilière. La réticence dolosive est qualifiée désormais de dissimulation intentionnelle par le nouveau code civil. En vertu du droit commun des contrats, elle s’apprécie au moment de la formation du contrat de vente. Le fait que l’auteur de l’infraction soit condamné, après la formation du contrat de vente, à modifier la configuration des lieux est sans incidence sur la reconnaissance du vice de consentement. Peu importe donc que le vendeur ait eu connaissance au moment de la formation du contrat de ce qu’il risquait en raison de cette infraction, dès lors qu’il avait reçu les procès-verbaux d’infraction et qu’il les avait dissimulés à l’acheteur.
I. Les faits
La 3e chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 23 septembre 2020. Était en cause la vente d’un appartement en rez-de-jardin avec vue sur la mer. Le vendeur avait procédé avant la vente a fait excaver le terrain et abattre les arbres afin de dégager la vue. Ceci est constitutif d’une infraction aux règles du droit de l’urbanisme, ce qu’ignorait le vendeur. Après la vente, le vendeur est condamné à remettre en l’état les lieux, c’est-à-dire à rehausser le terrain et à replanter des arbres.
II. La procédure
L’acheteur perdant ainsi le bénéfice d’une vue imprenable sur la mer demande la nullité du contrat de vente pour dol.
L’acheteur est débouté d’appel. En effet, la cour d’appel d’Aix-en-Provence relève que le vendeur n’avait pas connaissance au moment de la vente de la nature de la condamnation dont il ferait l’objet.
III. La solution
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel en rappelant que le dol s’apprécie au moment de la formation du contrat. Peu importe que le vendeur ignore, à ce moment-là, qu’il soit dans l’obligation de remettre les lieux en l’état.
IV. L’analyse
Le dol est un vice de consentement au même titre que l’erreur et la violence. Un vice de consentement est reconnu comme tel lorsque l’une des parties n’aurait pas contracté ou l’aurait fait à des conditions substantiellement différentes (article 1130 du code civil).
Le dol consiste en des manœuvres et des mensonges à l’égard de l’autre partie afin d’obtenir son consentement. Le dol peut être un acte positif par l’utilisation d’artifices ou tout simplement par une simple affirmation erronée. Un dol peut par exemple consister en l’annexion à la promesse de vente d’un contrat de bail alors qu’il n’existe aucune location en cours au jour de la passation de l’acte (Cass. 3e civ. 11 Fev. 2014 n° 12-29.986). Autre exemple, le dol peut consister en la délivrance d’informations inexactes sur la surface d’un bien (CA Paris 14-10-1999, 2e ch. B).
Mais le dol peut consister également en une dissimulation intentionnelle d’une information déterminante pour l’autre partie (article 1137 du code civil). Cette dissimulation intentionnelle peut être également qualifiée de réticence dolosive, entendu comme le silence du contractant.
Quelle que soit la nature du dol, le but poursuivi par son auteur est d’abuser l’autre partie. Le dol constitue ainsi en une tromperie qui trouble la rencontre des volontés.
En l’espèce ; si le vendeur ignorait qu’il serait contraint de remettre en l’état les lieux et ainsi priver l’acheteur de la vue sur la mer dont bénéficiait l’appartement ; il avait connaissance de l’infraction qui lui est imputable. En omettant d’en informer l’acheteur, le vendeur a fait preuve de réticence dolosive.
Le dol est une cause de nullité du contrat lorsque le dol émane du cocontractant. Il doit être prouvé par la partie qui l’invoque. Ce contractant peut choisir entre annuler le contrat ou le maintenir en exigeant par ailleurs des dommages et intérêts.